Petite méditation pour ce 5e dimanche de carême.

Il arrive que pour vouloir consoler, nous disions un peu trop vite : « Ne t’en fais pas, ce n’est pas si grave, cela va s’arranger… ». Ce faisant, nous n’écoutons pas la souffrance de l’autre, nous ne respectons pas vraiment ce qu’il vit. Peut-être parce que nous avons peur de cette souffrance, qu’elle nous dérange et que nous ne voulons pas la voir.
 
Dans une extrême détresse, le peuple d’Israël se tourne vers le Seigneur et s’exclame : “Nos ossements sont desséchés, notre espérance est détruite, nous sommes perdus !” (Ez 37,11). Que dire à celui qui crie que son espérance est détruite ? Comment ne pas détourner le regard, gêné ; toute parole semblerait déplacée, irrespectueuse. Dieu sait écouter et accueillir totalement l’expression de la souffrance sans se détourner de celui qui souffre. Par sa parole puissante, il sait aussi fait surgir la vie là où tout n’était que ruine et désolation : « Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai remonter, ô mon peuple, (…) je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez » (Ez 36,12…14).
 
Face au tombeau de son ami Lazare, Jésus pleure, intérieurement bouleversé. Par deux fois, il a su écouter Marthe et Marie lui dire : « Si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort ». Jésus écoute et se laisse bouleverser, sachant que se dresse devant lui l’horizon de sa propre Passion et de sa mort. C’est là que retentit sa parole puissante :  « Lazare, viens dehors ! » et que le mort sortit (Jn 11,43).
 
Dans nos plus grandes détresses, Celui qui nous aime et nous respecte infiniment sait nous écouter. « Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur, Seigneur écoute mon appel ! » (Ps 129,1-2). Son silence respectueux sera peut-être le signe de son écoute. Sa parole puissante peut nous faire sortir de notre tombeau. Qu’il parle ou se taise, il est là, présent. C’est le signe de l’amitié de Dieu pour nous.

« Ton amour me fait danser de joie : tu vois ma misère et tu sais ma détresse. Tu ne m’as pas livré aux mains de l’ennemi ; devant moi, tu as ouvert un passage ». (Ps 30, 8-9)

Père Guillaume Normand

Petit parcours pour la vie spirituelle.

A chaque fois, quelques brèves indications concrètes. Puis à la fin de la lettre, un passage de l’Evangile qui pourra nourrir votre méditation.

1ère étape : Choisir un temps et un lieu

Choisir un temps, cela signifie prendre la décision d’aller à la rencontre du Seigneur. Pendant ce temps, j’aurais certainement pu faire autre chose. Mais là, je choisis d’être cœur à cœur avec le Seigneur. Placer ce temps le matin quand tout est encore calme ? Le soir quand tout est accompli ? Choisir un temps, c’est également choisir une durée et s’y tenir. Peut-être 10, 15, 20 minutes pour commencer. Et si nécessaire, prévenir les autres que j’ai besoin de calme pendant ce temps-là.

Choisir un lieu, c’est entrer dans le temps consacré en se situant dans un espace consacré, bien concret. Quelle sera la pièce la plus retirée où je pourrai prier le Père dans le secret ? Une icône, un crucifix, une bougie, une Bible peuvent m’aider à découvrir que mon environnement habituel devient un espace où je prie. Et je peux laisser mon portable dans la pièce à côté…

Le premier chapitre de l’évangile de Marc (Mc 1,21-38) décrit une journée de Jésus. Journée très remplie, durant laquelle il est sans cesse sollicité. Tout le monde le cherche ! Toute son activité est enracinée dans la prière. Il choisit un temps (bien avant l’aube) et un lieu (un endroit désert) pour vivre cette intimité avec le Père. Entrer dans un temps et un espace consacrés à la prière, c’est aller puiser à la source pour que notre vie en soit irriguée et vivifiée.

2e étape : Disposer son corps

La méditation met en mouvement notre pensée. Cela tendrait à nous faire oublier l’importance de notre corps. Or, il s’agit d’entrer dans la prière avec tout notre être. « Mon cœur et ma chair sont un cri vers le Dieu vivant » (Ps 83,3). Dans le vocabulaire biblique, le cœur contient les sentiments, mais aussi les souvenirs, les idées, les projets, les décisions. La chair désigne notre réalité corporelle. La prière n’est donc pas qu’un cri du cœur, mais l’entrée de tout notre être, cœur et chair, esprit et corps, dans une relation avec Celui qui a créé l’être étonnant que nous sommes.

Il est donc nécessaire de trouver une bonne disposition pour notre corps afin qu’il soit associé à notre prière. Assis sur une chaise ou par terre, les genoux à même le sol ou sur un prie-Dieu, utilisant un banc de prière : les possibilités sont nombreuses pour exprimer et vivre une relation humble et confiante. Simplement, éviter d’être recroquevillé sur soi-même. La respiration est également importante. Prendre le temps de respirer permet d’éprouver la réalité de notre corps, de l’apprivoiser et non de le fuir.

Dans l’évangile, Marie a disposé son corps, elle s’est « assise aux pieds du Seigneur » pour écouter sa parole. Un bon exercice serait de se représenter cette scène par l’imagination. Où se trouve Marie ? Comment est-elle installée ? Et à partir de là, me poser la question : pour moi, quelle serait la disposition de mon corps qui me permettrait d’être assis aux pieds du Seigneur pour écouter sa parole ?

3e étape : Relire sa vie à la lumière de Dieu.

Choisir un temps et un lieu, trouver la disposition de mon corps qui me permet d’être assis aux pieds du Seigneur et d’écouter sa parole, c’est le préalable pour entrer dans une relation humble et confiante avec lui. Qui dit relation dit dialogue : il y a donc un temps pour tout, un temps pour parler, et un temps pour écouter. On peut avoir l’impression que pour meubler un temps de prière, il faut beaucoup parler, c’est-à-dire beaucoup penser. Laisser la place au silence, c’est consentir à accueillir et écouter.

Les circonstances actuelles peuvent nous conduire à relire notre vie. Peut-être pour découvrir que Dieu était là et je ne le savais pas (cf Gn 28,16). Chaque jour, je peux choisir une certaine période de ma vie. Y repérer mes motifs d’action de grâce, présenter les peines et les incompréhensions qui subsistent, confier les personnes qui ont marqué cette période. Inutile de « refaire le monde », car ce qui s’est passé s’est passé. Sous le regard bienveillant du Seigneur, il est bon de pouvoir faire mémoire de notre histoire, afin d’y découvrir la cohérence du chemin parcouru puis discerner et écouter les appels pour demain.
Marie présente une belle image du cœur qui écoute et qui médite les événements de l’histoire. Dans son évangile, Luc nous dit de Marie qu’elle « retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur » (Lc 2,19) et qu’elle « gardait dans son cœur tous ces événements » (Lc 2,51). Quels événements ? Ceux qui accompagnent la naissance et la croissance de Jésus, le Verbe de Dieu dont le corps s’est tissé en elle, qui a marqué son histoire et notre histoire.

Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc (2, 4-19)

Joseph, lui aussi, monta de Galilée, depuis la ville de Nazareth, vers la Judée, jusqu’à la ville de David appelée Bethléem. Il était en effet de la maison et de la lignée de David. Il venait se faire recenser avec Marie, qui lui avait été accordée en mariage et qui était enceinte. Or, pendant qu’ils étaient là, le temps où elle devait enfanter fut accompli. Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. Dans la même région, il y avait des bergers qui vivaient dehors et passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. L’ange du Seigneur se présenta devant eux, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte. Alors l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. » Lorsque les anges eurent quitté les bergers pour le ciel, ceux-ci se disaient entre eux : « Allons jusqu’à Bethléem pour voir ce qui est arrivé, l’événement que le Seigneur nous a fait connaître. » Ils se hâtèrent d’y aller, et ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire. Après avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant. Et tous ceux qui entendirent s’étonnaient de ce que leur racontaient les bergers. Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur.

4e étape : Rentrer en soi-même pour revenir vers le Père

Entrer dans la prière, c’est entamer un chemin et entrer dans une relation. Parmi les difficultés rencontrées dans la prière, il y a ce que l’on appelle les « distractions ». J’essaye de me concentrer intérieurement, mais je suis saisi par d’autres pensées qui accaparent mon esprit. Depuis les soucis qui peuvent m’envahir jusqu’aux courses que je dois faire, la liste est infinie. Vouloir chasser les distractions, c’est encore penser à elle. Lorsque je me rends compte que mon esprit s’écarte, je peux dire simplement : « Seigneur, je suis là pour être avec toi ». La prière n’est pas tant une affaire de concentration mentale qu’une présence à Celui qui nous aime. Dès lors, s’écarter un temps du chemin n’est pas grave. Apprendre à revenir sur le chemin, cela fait partie du chemin.

Ce que nous expérimentons pendant un temps de prière se vérifie également à l’échelle de notre vie. Dans notre relation à Dieu et aux autres, nous pouvons parfois avoir le sentiment d’avoir raté des opportunités, d’avoir perdu du temps. C’est ainsi. A quoi bon se fixer sur les regrets ? Nous avons la possibilité de tourner le regard devant nous et considérer que nous pouvons nous remettre en marche.

L’expérience du fils prodigue est très instructive. Ayant quitté son père et rompu tout contact avec lui, s’étant écarté d’un chemin de vie, il tombe au plus bas. C’est là qu’il rentre en lui-même et découvre qu’il doit être auprès de son père. Il s’engage alors sur le chemin du retour. Ce qu’il ne sait pas encore, c’est que son père n’a jamais cessé de l’attendre. L’amour miséricordieux du Père le fait passer de la mort à la vie. Nous aussi, nous aimés et attendus.

Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc (2, 4-19)

Joseph, lui aussi, monta de Galilée, depuis la ville de Nazareth, vers la Judée, jusqu’à la ville de David appelée Bethléem. Il était en effet de la maison et de la lignée de David. Il venait se faire recenser avec Marie, qui lui avait été accordée en mariage et qui était enceinte. Or, pendant qu’ils étaient là, le temps où elle devait enfanter fut accompli. Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. Dans la même région, il y avait des bergers qui vivaient dehors et passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. L’ange du Seigneur se présenta devant eux, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte. Alors l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. » Lorsque les anges eurent quitté les bergers pour le ciel, ceux-ci se disaient entre eux : « Allons jusqu’à Bethléem pour voir ce qui est arrivé, l’événement que le Seigneur nous a fait connaître. » Ils se hâtèrent d’y aller, et ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire. Après avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant. Et tous ceux qui entendirent s’étonnaient de ce que leur racontaient les bergers. Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur.

5e étape : Apprends-nous à prier

Dans notre prière viennent s’entrelacer étroitement ce qui nous est intérieur et ce qui nous est extérieur. Evénements et rencontres surviennent de l’extérieur et nous impactent à l’intérieur. Réciproquement, ce qui se produit à l’intérieur de nous-même déteint sur ce qui nous entoure. Il y a ce que nous apprenons et que nous retenons ; plus tard, il pourra nous sembler comprendre de l’intérieur avec une profondeur nouvelle ce que nous avions jadis appris. A l’inverse, combien de choses nous paraissent évidentes de l’intérieur, sans que nous puissions adéquatement les exprimer à l’extérieur ?

Où situer le Seigneur dans tout cela ? Auteur de tout ce qui existe, il nous est extérieur. Pourtant, il est celui qui est plus intérieur que l’intime de nous-mêmes, tout en étant plus haut que le plus haut de nous-mêmes (Cf. Saint Augustin, Confessions, III, 6, 11).
Les disciples demandent à Jésus qu’il leur apprenne à prier. Ce qu’il fait. Pourtant, cet enseignement aussi resterait tout extérieur sans l’enseignement du « Maître intérieur », selon l’expression de saint Augustin. « Nous pouvons vous avertir en faisant du vacarme avec notre voix ; s’il n’y a pas à l’intérieur quelqu’un pour vous instruire, c’est en vain que nous faisons du bruit » (Saint Augustin, Homélie sur la troisième lettre de saint Jean, III, 13). Il est déjà là, celui que notre cœur cherche.
Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc (11, 1-9)
Il arriva que Jésus, en un certain lieu, était en prière. Quand il eut terminé, un de ses disciples lui demanda : « Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean le Baptiste, lui aussi, l’a appris à ses disciples. » Il leur répondit : « Quand vous priez, dites : Père, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne. Donne-nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour. Pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes, nous pardonnons aussi à tous ceux qui ont des torts envers nous. Et ne nous laisse pas entrer en tentation. » Jésus leur dit encore : « Imaginez que l’un de vous ait un ami et aille le trouver au milieu de la nuit pour lui demander : “Mon ami, prête-moi trois pains, car un de mes amis est arrivé de voyage chez moi, et je n’ai rien à lui offrir.” Et si, de l’intérieur, l’autre lui répond : “Ne viens pas m’importuner ! La porte est déjà fermée ; mes enfants et moi, nous sommes couchés. Je ne puis pas me lever pour te donner quelque chose.” Eh bien ! je vous le dis : même s’il ne se lève pas pour donner par amitié, il se lèvera à cause du sans-gêne de cet ami, et il lui donnera tout ce qu’il lui faut. Moi, je vous dis : Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. En effet, quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; à qui frappe, on ouvrira.

 Père Guillaume Normand