(Fin du IIIe s./début du IVe siècle)

I – Repères biographiques

Histoire et légende s’entremêlent lorsque l’on parle de St. Nicolas.
Peu de documents historiques sur sa vie. Les principales indications proviennent d’André de Crête (moine du 7e/8e siècle connu pour son œuvre liturgique – Grand Canon chanté en Carême dans les églises de rite byzantin † 740), d’un moine Jean du monastère du Stoudion de Constantinople (les studites) et de compilations byzantines.
Différentes sources pour sa légende transmises par des hagiographes médiévaux, notamment la légende dorée de Jacques de Voragine, dominicain du 13e siècle.

Ceci étant, nous pouvons retenir que Nicolas naît à Patara, une petite ville maritime de la Lycie, au sud de la Turquie aux alentours des années 270 (sous le règne de l’empereur Aurélien – l’empire romain est encore unifié -). Nicolas naît dans une famille aisée qui lui donne une éducation chrétienne. Il grandit dans l’obéissance et perd ses deux parents, lors d’une épidémie de peste alors qu’il est encore jeune. Il est ordonné prêtre et abbé de Sion, près de Myre, par son oncle Nicolas, évêque de Myre. Puis à la mort du successeur de son oncle, il est désigné évêque de Myre par la vox populi autour de l’an 300. À cette époque, l’empire est gouverné par Dioclétien qui a établi une tétrachie en raison de l’étendue de l’empire romain*. Sous le règne de Dioclétien, les chrétiens sont persécutés. On note d’une façon historiquement confirmée que Nicolas est exilé et torturé au cours de cette persécution des chrétiens en 310 puis libéré par l’empereur Constantin** en 313.

* Dioclétien, empereur romain 284 – établit une tétrarchie dont fait partie Constance Chlore qui sera l’époux d’Hélène dont il aura un fils, Constantin qui deviendra Constantin Ier qui règnera seul entre 323 et 337.
** Édit de Milan, lettre publiée en 313 par Licinius et au nom de Constantin, qui établit la liberté de culte et met fin aux persécutions des chrétiens.

Nicolas consacre tout son héritage à aider les nécessiteux, les malades et les pauvres.
Saint André de Crête et le moine Jean du monastère du Stoudion rapportent que Nicolas évêque participe au concile de Nicée (325) et gifle son adversaire Arius. Il est alors arrêté avant d’être réhabilité avant la fin du concile.
Un an avant sa mort, il fait démolir le temple d’Artémis de Myre. Nicolas meurt le 6 décembre 343 (73 ans). Nombreux récits concernant les épisodes de sa vie témoignent d’une vie de service aux plus faibles, aux petits et aux sans défense.

II – Le concile de Nicée

Dans le Credo de Nicée-Constantinople, nous affirmons :
« Je crois en Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles. Il est Dieu, né de Dieu, lumière née de la lumière, vrai Dieu, né du vrai Dieu, engendré, non pas créé, consubstantiel au Père … »
Au cœur de la foi des chrétiens : la divinité du Christ.

Au IVe siècle, le christianisme, tout au moins en Orient, fut secoué par un débat crucial au sujet de la divinité du Christ.

Un nommé Arius, prêtre d’Alexandrie (〜280-336) défend l’idée que le Christ n’est pas Dieu.
Voici le raisonnement d’Arius :

  1.  Être Dieu, c’est être inengendré et seul Dieu-Père est inengendré car le Verbe ne peut être inengendré sinon il y aurait deux êtres inengendrés, ce qui serait contraire à l’unicité de Dieu.
  2.  De plus, lorsqu’on parle du Fils de Dieu, il ne peut s’agir que d’une filiation adoptive et non pas naturelle car celui qui engendre perd quelque chose de sa substance, ce qui est inconcevable pour Dieu.
    Donc le Verbe ne peut être qu’une créature de Dieu, tirée du néant, certes une créature exceptionnelle par sa sainteté et par sa qualité d’intermédiaire entre Dieu et l’humanité qu’il a précédée dans l’existence. On ne peut donc pas adorer le Christ puisqu’il n’est pas Dieu.
    Voilà comment Arius remet en cause la divinité du Christ.

Pour contrer cette hérésie qui se répandait dans tout l’Orient, l’empereur Constantin (à cette époque l’empereur a la volonté de régner sur l’Église) convoque un concile à Nicée (Nord-ouest de l’Anatolie) en 325 (1er concile œcuménique de l’histoire chrétienne [oukouméné : du monde habité]. 318 évêques présents selon la tradition de l’Orient) qui confirme la condamnation de la doctrine d’Arius : impossible de tenir un tel raisonnement face à Dieu. Pourquoi ? Tout simplement parce que :
d’une part Dieu est hors temps donc on ne peut pas dire que le Père existe avant le Fils et qu’il y aurait un commencement pour le Fils : le Père et le Fils sont de toute éternité.
(Cf. le prologue de l’évangile de Jean : “Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu et le Verbe était Dieu“).

D’autre part, en Dieu éternel, la génération ne fait rien perdre au Père de sa substance.

Voilà comment les adversaires d’Arius pouvaient mettre par terre sa doctrine.
Le concile adopte une première formulation de la foi chrétienne affirmant la divinité du Christ :
Jésus Christ, vrai Dieu, né du vrai Dieu, engendré non pas créé, consubstantiel au Père.
(Consubstantiel = mot qui ne vient pas du langage de la Révélation mais de la culture grecque – du grec, homo-ousios = de même essence ; mot « missionnaire »).

Le concile de Constantinople convoqué par l’empereur Théodose (381) y ajoutera une formulation de la divinité de l’Esprit Saint.

La paix reviendra très progressivement : Athanase d’Alexandrie, grand défenseur de Nicée : « Arius a volé mon sauveur ». Quand le Fils vient, c’est Dieu lui-même qui vient vers nous.
Le grand débat au Ve siècle portera sur la coexistence de deux natures dans la personne du Christ.
(La 1ère hérésie chrétienne porte sur l’humanité du Christ : le docétisme).

III – Le culte de Saint-Nicolas

Pourquoi le culte de Saint-Nicolas à Bari alors que celui-ci vécut à Myre et que c’est à Myre qu’une église lui fut dédiée au 8e siècle ?

Souligner deux événements historiques pour comprendre les mouvements des peuples dans l’Orient et l’Occident et plus précisément en Italie du Sud :

  1.  La séparation du grand empire romain en deux empires : en 395, à la mort de l’empereur Théodose Ier (379-395), l’empire romain alors est partagé entre ses fils : l’empire romain d’Occident qui disparaît en 476 et l’empire romain d’Orient qui se maintient jusqu’en 1453 (prise de Constantinople par l’empire ottoman). On parle plutôt de l’empire byzantin qui va donc durer 1000 ans, qui est un empire chrétien, majoritairement de langue grecque. Présence byzantine dans les Pouilles qui prend fin en 1071 quand les Normands prennent Bari aux Grecs et la présence normande durera jusqu’en 1194 (200 ans) et elle aura fait basculer l’Italie du Sud de l’Orient à l’Occident.
  2.  En 1054, grand schisme d’Orient (séparation entre l’Église de Rome et l’Église de Constantinople – naissance de la religion orthodoxe).

La tombe de Saint-Nicolas à Myre devint très vite après sa mort un lieu de pèlerinage et ses reliques furent considérées comme miraculeuses à cause d’un mystérieux liquide dit la manne de Saint Nicolas qui en sortait. À la fin du XIe siècle, craignant que ces reliques soient détruites par les Sarrasins, c’est ainsi qu’on désignait les musulmans de l’époque, un groupe de 68 marins de Bari transporta une partie des ossements jusqu’à Bari en Italie le 9 mai 1087. La basilique de Bari fut alors construite entre 1089 et 1197. Les restes du corps de Saint-Nicolas sont déplacés environ dix ans plus tard par les marins de la Sérénissime (titre utilisé à l’époque pour la République de Venise) qui les apportent à Venise. On peut aussi noter que plusieurs fragments osseux de ces reliques sont transférés dans diverses églises d’Europe, notamment en Lorraine, ce qui donne lieu au traditionnel pèlerinage de Saint Nicolas à Saint Nicolas-du-port, mais aussi en Suisse (Fribourg), en Belgique (Notre Dame de la Croix de Croix-lez-Rouveroy).
Ce que l’on peut retenir, c’est la grande popularité dont bénéficie Saint Nicolas, d’abord chez les chrétiens d’Orient (par exemple à partir du IXe siècle après la querelle des images, Saint Nicolas est très présent dans l’iconographie, en Turquie, Chypre, Grèce, Crète, Balkans, Russie et d’autres) puis à partir de 1087, en Europe occidentale.

Il est, avec Saint André, l’un des patrons de la Russie. Depuis la chute du communisme, la fête liturgique de Saint Nicolas (6 et 19 décembre) attire des foules nombreuses de pèlerins catholiques et orthodoxes autour de la relique qui est conservée depuis 900 ans dans la crypte de la basilique érigée entre 1087 et 1197. C’est non seulement un pèlerinage qui s’inscrit dans une tradition historique, mais c’est aussi l’occasion de renforcer l’œcuménisme.

Nombreuses légendes vont contribuer à faire de Saint Nicolas le patron des enfants et des jeunes.
Notamment celle qui raconte que Saint Nicolas, alors évêque de Myre, aurait tiré des enfants du péril des griffes d’un horrible boucher qui avait pour coutume de les couper par morceaux avant de les manger.
Et l’on a ajouté que dans sa grande générosité, Saint Nicolas avait pris l’habitude de laisser aux enfants des cadeaux à travers le conduit des cheminées de leur maison. Voilà comment est né le père Noël.

C’est encore selon une légende que Saint Nicolas est le patron des marins : Nicolas s’étant embarqué durant sa jeunesse en Terre Sainte, aurait demandé de faire une expérience profonde de proximité avec la vie de Jésus. Sur le chemin de retour, une grosse tempête se déchaîna et le navire sur lequel il voyageait faillit couler. Nicolas se mit en prière, alors le vent et les vagues se calmèrent, ce qui aurait suscité l’étonnement des marins qui craignaient le naufrage.